Imaginez un monde sans vie. Un monde autour duquel ne gravite que néant et obscurité, un monde... sans rien. Vide, il est vide. Obscur, sans issue ni entrée. Comment suis-je arrivé ici ? Où suis-je seulement ? Je n'en sais rien. Perdu, pour sûr. Dans un monde obscur, vidé de tout sens et de toute humanité, un monde... qui n'en est pas un. Je me sens... ailleurs. Vide, toujours plus vide. Ma voix résonne dans ma tête, aucune paroi pour absorber ce son qui n'en finit plus. Où suis-je ? Je ne me pose plus la question. Je suis nulle part et partout à la fois, absent et pourtant bien réel.
Réel ? Qu'est-ce que ça veut dire, réel ? Je ne suis pas réel ? Ce monde... est-il imaginaire ? Ces gens-là... ils marchent, parlent, mais tout semble si lent, si... vide. Chacun des mots qui sortent de leur bouche perd de leur sens, leur résonnance... je n'entends rien. Sourd, je suis sourd de vie, sourd de sens. Vidé, absent, mais où suis-je seulement ? Je suis là, devant toi, devant eux, sur ce banc, cette patinoire. Je sens le froid, n'est-ce pas ? Quelle étrange sensation... j'ai l'impression de rêver. Serais-je dans un rêve ?
Je n'entends rien, ne vois rien, et pourtant, j'entends tout, je vois tout. Un filtre se superpose. La réalité n'est plus que lointaine, quasi invisible mais lucide. Ou bien serait-ce l'inverse ? Mes pensées... Elles tournent, encore et encore, sans jamais sortir de leur trou. Je suis ivre. Ivre, chaque mot pèse si lourd sur ma langue, chaque pensée prend trop de place dans ma tête, je suis si lent. J'ai l'impression d'être dans un rêve interminable et lassant dès la première seconde. Il ne se passe rien, rien du tout, c'est le néant.
Trois mois que je rêve, je n'en peux plus. Je vois bien que je ne suis plus, plus vraiment de ce monde. Si seulement je pouvais lever ce voile qui m'en coupe... Il pèse si lourd ! Je n'y arrive pas, je suis damné dans un monde sans vie, sans âme, sans espace ni temporalité. Ailleurs, encore. Aidez-moi ! Je hurle, mais personne n'entend. Je les vois passer devant moi, moi qui attends éternellement sur ce banc sans lueur. Pourtant je bouge, je cours, je parle... du moins en apparence. Je ne suis pas vraiment là.
Non, voyez-vous, je suis ailleurs et vous ne pouvez me ramener. Mon ivresse est infinie, prisonnier d'un néant émotionnel. Si seulement je pouvais ressentir un peu de vie... Étreins-moi, toi qui me fixe là. Tes yeux semblent dire une chose contraire à ton contrôle. Vas-y, serre-moi. Embrasse-moi. Je veux sentir, sentir tes lèvres sur les miennes, tes mains glisser sur mon corps, ta peau doucement effleurer ce voile invisible. Touche-moi. Fais moi ressentir cette vie qui t'anime, je veux sentir ce désir transvaser vers mon corps. Je dois ressentir. Le désir, la joie, la colère, la peur, l'excitation... vas-y, ramène moi avec toi. Sors-moi de cet éternel vide émotionnel, de ce rêve sans fin.
Hélyo James, septembre 2020