CALME-TEMPÊTE

Cheveux aux vents, main à la barre, à la dérive. Le gouvernail de bois blesse ma peau de glace. Je navigue sur les flots sages d'une vie sans folies. Le soleil me brûle, mon corps devient cendres. La brise fend mes écailles de petites perles rouges. La mer infinie est errance éternelle. Je ne perçois pas la Terre, et la lune est sombre. Je ne peux échouer sur le sable, le sable n'est plus. Berce mon âme sur les eaux sages, berce mon cœur calme. Laisse mon corps mourir sous les étoiles, laisse les torrents nourrir ma soif sauvage. Le calme m'affame, le calme est faux ami. Le calme est ma tempête, la tempête est mon calme.
 
Hélyo James, 30 juin 2022

LA FORÊT RÊVEUSE

Je marche, lentement, sans un bruit. Pas à pas, vers l'arche de coton, vers la rivière ensommeillée. Les pierres s'alignent sous mes pieds pour tracer le chemin des merveilles. Je flotte. Einaudi pianote mes pas sur leurs échos mélodieux. Un pied au-dessus du sol. C'est comme si l'eau lévitait avec moi, tout en reposant sur la terre. C'est comme si ma peau effleurait cette eau sans en recevoir les perles, et malgré tout ma peau se noie dans ces échos de la mer, comme dans un nuage cotonneux entièrement fait d'eau qui perle.
 
Je marche dans la forêt mousseuse sous le clair de lune qui tamise mon rêve. Les lucioles volent dans l'eau du lac, les poissons nagent dans l'air brumeux. Je marche. Lentement. Sans un bruit. Juste ma respiration en harmonie avec celle de la forêt rêveuse. Ma respiration souffle le vent. Mon cœur abreuve les arbres de mon sang qui fait leur sève. Lorsque mon torse se lève, la terre fait de même. Et tout là-bas, tout au fond, aux tréfonds de la forêt qui veille, on peut entendre un doux battement, régulier, mélodieux, apaisant. Tout là-bas, tout au fond, aux tréfonds de la forêt, se cache une lueur vacillante sur les échos d'un son sourd mais doux, une lueur rouge de vie qui illumine le bosquet alentour. Tout là-bas, tout au fond, se cache le cœur de la forêt, se cache le tronc fragile et solide, sous ses formes arrondies et mystiques, duquel partent les racines ensevelies de sang qui parcourent la terre et nourrissent les arbres.
 
C'est comme une bulle qui n'a de temps que ce cœur résonnant, que cette mélodie silencieuse qui m'étreint de son calme et sa sagesse. Je marche, lentement, sans un bruit. Pas à pas, vers l'arche de coton, vers la rivière ensommeillée. Je plonge dans ce nuage de soie et je m'endors dans ses bras, sous la lueur de ces maigres étoiles qui m'embarquent loin là-bas. La forêt s'endort, la lune tamise le lac, le vent se fait léger, les arbres s'apaisent, et là-bas, tout au fond, aux tréfonds de la forêt, le cœur bat encore, au centre du bosquet sacré qui n'a pas encore été foulé, si bien caché.
 
Hélyo James, 21 juin 2022

HYPOTHERMIE

J'ai froid. J'ai si froid. Si sombre, il fait si sombre. Mon corps tremble et je brûle. Mon cœur s'est arrêté de battre. Je ne peux plus bouger d'un pouce. Mon corps gèle sur la terre soyeuse. J'ai froid. J'ai si froid. J'ai mal, je crois que j'ai mal. L'hypothermie m'a attrapé, je ne vis plus. J'ai froid. J'ai si froid. Il fait si sombre, je ne vois plus rien. Je ne sens plus mon souffle, je ne sens plus mes bras, ni mes jambes, je ne sens plus rien. Il n'y a pas un bruit, pas un seul. Je ne tremble plus, mais j'ai si froid. Mon cœur ne bat plus, je ne l'entends plus, je ne le sens plus. Mes poumons se sont vidés de cet air gelé, mon corps m'a lâché. Lamentablement lâché. Il m'a abandonné. Il m'a tué. Et j'ai froid. J'ai si froid putain. Je crois entendre au loin le son de sa voix, qui hurle à la mort, qui craque dans la peine. Je crois sentir une goutte, tout droit tomber là sur mon cœur à l'arrêt. Je crois en sentir une autre, salée, au carrefour de mes lèvres. Je crois sentir sa main serrer la mienne si fort qu'elle semble être broyée. Mais je n'en sais rien, je ne sens rien. J'ai tellement froid, si tu savais comme j'ai froid... et puis ce froid me brûle si fort... je crois que je suis mort.
 
Hélyo James, 6 juin 2022