Je marche, lentement, sans un bruit. Pas à pas, vers l'arche de coton, vers la rivière ensommeillée. Les pierres s'alignent sous mes pieds pour tracer le chemin des merveilles. Je flotte. Einaudi pianote mes pas sur leurs échos mélodieux. Un pied au-dessus du sol. C'est comme si l'eau lévitait avec moi, tout en reposant sur la terre. C'est comme si ma peau effleurait cette eau sans en recevoir les perles, et malgré tout ma peau se noie dans ces échos de la mer, comme dans un nuage cotonneux entièrement fait d'eau qui perle.
Je marche dans la forêt mousseuse sous le clair de lune qui tamise mon rêve. Les lucioles volent dans l'eau du lac, les poissons nagent dans l'air brumeux. Je marche. Lentement. Sans un bruit. Juste ma respiration en harmonie avec celle de la forêt rêveuse. Ma respiration souffle le vent. Mon cœur abreuve les arbres de mon sang qui fait leur sève. Lorsque mon torse se lève, la terre fait de même. Et tout là-bas, tout au fond, aux tréfonds de la forêt qui veille, on peut entendre un doux battement, régulier, mélodieux, apaisant. Tout là-bas, tout au fond, aux tréfonds de la forêt, se cache une lueur vacillante sur les échos d'un son sourd mais doux, une lueur rouge de vie qui illumine le bosquet alentour. Tout là-bas, tout au fond, se cache le cœur de la forêt, se cache le tronc fragile et solide, sous ses formes arrondies et mystiques, duquel partent les racines ensevelies de sang qui parcourent la terre et nourrissent les arbres.
C'est comme une bulle qui n'a de temps que ce cœur résonnant, que cette mélodie silencieuse qui m'étreint de son calme et sa sagesse. Je marche, lentement, sans un bruit. Pas à pas, vers l'arche de coton, vers la rivière ensommeillée. Je plonge dans ce nuage de soie et je m'endors dans ses bras, sous la lueur de ces maigres étoiles qui m'embarquent loin là-bas. La forêt s'endort, la lune tamise le lac, le vent se fait léger, les arbres s'apaisent, et là-bas, tout au fond, aux tréfonds de la forêt, le cœur bat encore, au centre du bosquet sacré qui n'a pas encore été foulé, si bien caché.
Hélyo James, 21 juin 2022