L'OXYDATION DU SOMMEIL

La douce acidité sucrée pétille sur mes lèvres dans l'infinie nuit qui défile. Le voile s'est tendrement déposé sur mon esprit tourmenté. Le rouge vif coule dans mes veines et hurle au diable de se libérer. Hurle, hurle si fort que chaque atome de cet univers s'en trouve entièrement et radicalement transformé. Hurle, hurle dans mes oreilles jusqu'à la plus totale et définitive des surdités. Annihile tout espoir d'entendre à nouveau, annihile tout, simplement, et purge de mon crime qui n'est que perspective. C'est si simple pourtant, si simple que c'en est ridicule. Ça pétille, ça bouillonne et... criss je succombe. Apprends moi, là, tout de suite... à dormir ? Trop de sucre circule dans mon sang pour que je plonge dans les rêves. L'acide gèle mon cerveau jusqu'à la moelle. Je ne suis pas maître de mon corps et je veux être maire. Ça pétille -trop- fort autour de l'écrou qui retient le fil, il oxyde. L'oxydation remonte dans mes veines et embrasse mon sommeil qui de fait ne vient pas. 
 
Hélyo James, 30 novembre 2023

LES CENDRES

Les cendres tombent du ciel, il est déjà trop tard. Elles tombent innocemment, impunément, humbles jusqu'à leur finalité : écrasées sur le bitume blanc. Le monde est déchu, vaincu par ce que nous appelons humainEs. Le monde s'est battu, preuve en est ces dernières et fébriles cendres. Le feu ravage le monde, le feu a déjà ravagé le monde. Nous sommes pauvres témoins de cette échec flagrant : nous, que les autres accusent. Les cendres puisent dans leur restant de force pour ensemble assommer leur assassinEs. Absurde fatalité. 
 
Hélyo James, 30 novembre 2023

LES MOTS

Je n'ai plus de mots. J'ai perdu mes mots. Pour une fois, je n'ai réellement plus de mots. Je pensais que l'alphabet entier était gravé quelque part dans ma chair, je me trompais. Les lettres ne s'encrent plus. J'ai perdu la langue, j'ai perdu mon cristal qui me permettait de voir si clair. J'ai perdu la clarté, j'ai perdu la vue. Je suis sourd et aveugle. Un vieux monsieur à peine moustachu qui a déjà survécu à la démence, non pas une, non pas deux, non pas trois, mais plus de fois que je ne peux m'en assurer. J'ai survécu à la démence mais la lucidité m'a achevé. La lucidité a succionné l'encre hors de mes vaisseaux sanguins, elle a arraché ma chair entière et dilapidé l'alphabet. Au complet. Je n'ai plus de lettres pour former mes mots. Je n'ai plus non plus de bras. Je suis manchot, en plus d'être sourd et aveugle. Je suis manchot et mes bras sont fantomatiques. Ils n'effleurent plus que l'âme de celleux qu'ils enlacent. Je n'ai même plus de jambes. Je n'ai même plus de jambes pour courir sur les sentiers gelés. En fin de compte, voilà pourquoi je n'ai plus de mots : je n'ai simplement plus de corps ! Je n'ai tout simplement plus de corps. Plus de peau à caresser, plus de chair à embrasser. Je n'ai plus de corps. Voilà mon comble : je n'ai plus de corps, je n'ai plus de mots. 
 
Hélyo James, 27 novembre 2023