LES MOTS

Je n'ai plus de mots. J'ai perdu mes mots. Pour une fois, je n'ai réellement plus de mots. Je pensais que l'alphabet entier était gravé quelque part dans ma chair, je me trompais. Les lettres ne s'encrent plus. J'ai perdu la langue, j'ai perdu mon cristal qui me permettait de voir si clair. J'ai perdu la clarté, j'ai perdu la vue. Je suis sourd et aveugle. Un vieux monsieur à peine moustachu qui a déjà survécu à la démence, non pas une, non pas deux, non pas trois, mais plus de fois que je ne peux m'en assurer. J'ai survécu à la démence mais la lucidité m'a achevé. La lucidité a succionné l'encre hors de mes vaisseaux sanguins, elle a arraché ma chair entière et dilapidé l'alphabet. Au complet. Je n'ai plus de lettres pour former mes mots. Je n'ai plus non plus de bras. Je suis manchot, en plus d'être sourd et aveugle. Je suis manchot et mes bras sont fantomatiques. Ils n'effleurent plus que l'âme de celleux qu'ils enlacent. Je n'ai même plus de jambes. Je n'ai même plus de jambes pour courir sur les sentiers gelés. En fin de compte, voilà pourquoi je n'ai plus de mots : je n'ai simplement plus de corps ! Je n'ai tout simplement plus de corps. Plus de peau à caresser, plus de chair à embrasser. Je n'ai plus de corps. Voilà mon comble : je n'ai plus de corps, je n'ai plus de mots. 
 
Hélyo James, 27 novembre 2023

ANARCHIE ASSOURDIE

Quel drôle de trait humain ! Tourner le volume au maximum pour faire taire les évidents problèmes qui ne demandent que résolution, rugissant avec toujours plus de hargne, de plus en plus fort. Je tourne le volume de mes écouteurs de plus en plus fort et ce n'est pas à cause de ma légère surdité génétique qui accroît au fil des mois. J'essaie de faire taire les pensées envahissantes, les pensées qui creusent mon cœur pour le vider de sa terre fertile et la déplacer côté psychose. Je ne veux plus les entendre, pas là, pas maintenant, pas ce soir, pas en sa présence. J'essaie là de protéger cette relation que j'aime tant, cet être que j'aime tant, car dès lors que tout sortira, les deux prendront cher. Cette force autodestructrice est puissante, tellement puissante qu'elle entame mon instinct reptilien de préservation. Alors je tourne la musique de plus en plus fort, jusqu'à m'ôter chaque seconde des millionièmes de décibels d'audition, jusqu'à ce que mon corps soit envahi de ce rythme endiablé, de ces instruments déchaînés, de ces voix enragées. Ça me fait du bien, le hard rock et le metal apaisent mon âme meurtrie. Ces styles musicaux que j'affectionne tant m'ont accompagné dans chacune de mes psychoses et ont guéri mes songes les plus anarchiques et destructrices. L'anarchie, ça ne fonctionne qu'à moitié chez moi. Et ce soir, mes pensées sont anarchiquement synchronisées avec mes émotions, plus aucune règle n'est de mise sans rationalité
 
Hélyo James, 21 octobre 2023

DISSONANCE

Les voitures entrent en collision avec mon champ visuel dans une brutale douceur. Le temps est brutal au ralenti. Le bus fonce lentement et droit sur moi. Je ne peux le voir, je suis trop lent, je suis déphasé. Je suis arrivé chez nous avant même de réaliser que j'étais en marche. J'ai failli tuer un cycliste en étant sourd de sa sonnette et aveugle de son ombre. Pendant 40min, j'ai marché, entrevu des mirages, suis passé à deux doigts de me prendre un énième panneau de signalisation dans le visage... mon visage... j'ai mal au visage, j'ai mal à la tête. Pendant 40min j'ai écrit sans me rendre compte que j'écrivais. Sans porter attention au soleil qui brûlait mes rétines et aux gens qui apparaissaient puis disparaissaient de ma bulle. Voilà une belle dissonance. 
 
Hélyo James, 28 septembre 2023

CONFÉRENCE

À la renverse. La framboise bat si fort qu'elle en échappe son coulis dans mes veines à en chatouiller mes poumons. Chaque petit muscle de son fruit se contracte l'un après l'autre et pompe le rouge écarlate hors de sa cage bombée. Le coulis coule jusqu'à terre et se répand dans la pièce jusqu'à l'inonder complètement. Il coule jusqu'à ses pieds, jusqu'à sa bulle, son petit monde enseveli sous la neige. Autour le monde s'écroule, devient chaos dans le noir. À la renverse. Mes veines se purgent de ce jus sucré. Dans le noir, les formes abondent et se dandinent dans tous les sens. Seule une demeure inerte : la sienne. Inerte jusqu'à ce que ses yeux, qui jusque-là étaient plongés dans le vide, entament une lente rotation de 32° vers l'Est depuis le 58ème degré Nord. Ils poursuivent leur rotation jusqu'à tomber sur la seule autre forme inerte dans cette pièce si noire : la mienne.
 
Hélyo James, 27 septembre 2023

BALANCIER MIROIR

L'air se fend devant moi telle une lame aiguisée transperce la chair de celle qui aura trop parlé, de celle qui aura trop osé. Les jambes se balancent dans un mouvement interminable, sans fin. Je regarde le métronome éternel du temps qui passe et de la vie qui s'achève. Elles rebondissent sur le trottoir à la manière de ressorts dansants et se font tracter de cette force qui ne peut qu'aller en avant, ce même lorsqu'elles semblent être à reculons. Le métronome m'hypnotise, me voilà grimpant les marches de l'envers. À l'envers tout est plus fluide, tout est plus calme. Cet univers bidimensionnel ramène à l'essentiel, à ses ombres qui disparaissent à petit feu. Elles désertent la terre pour plonger dans la cascade du ciel. Là-bas le temps n'est plus et la vie non plus. Je ne suis qu'une forme divaguant sur la carte du monde. D'ici, la terre n'est pas ronde. Peut-être que ces âmes qui déchirent leur voile ne voient plus que ce monde, peut-être ne sont-elles pas complotistes, seulement perdues. Quoiqu'il en soit, le métronome que j'observe dans ces vitres en marchant va bientôt disparaître, je vais faire face à Laurent. Je vais prendre forme dans cet autre univers, tridimensionnel, et ne plus qu'imager ces ombres intérieures. Un pas sur le pont et... je ne vois plus le temps. Un dernier regard sur les chaussures de ma voisine et ses lacets sont libres ; seuls ses lacets sont libres.
 
Hélyo James, 12 septembre 2023

LA GLACE DU TEMPS

Le temps qui coule a figé de sa glace les brouillards de bonheur et les épars malheurs. Ni moi ni la Terre en chaleur n'avons le pouvoir de faire fondre cette glace souveraine qui brime le voile spacio-temporel. La glace cristallise mes rêves futiles et les rêves futurs ne peuvent que fuir de plus belle vers une terre plus fertile, plus sage et réfléchie. Que de rêves cristallins je laisse sur mes pas, au fil des années qui passent ! Le cristal de ces rêves nourrit ceux d'aujourd'hui, ceux de demain et ceux inconscients. Quand le temps aura glacé même mes derniers rêves terrestres alors, tel un oisillon perdu au-dessus de l'océan, lorsque les battements d'ailes ne suffiront plus à me garder en vie, je plongerai dans l'eau et me changerai en poisson. Ainsi, je rêverai d'amour et d'eau fraîche à nouveau. En attendant, si l'on se fie aux prévisions terrestres et aux statistiques humaines, me voilà passé le quart de chemin, dans l'année qui se veut l'addition de mes racines.
 
Hélyo James, 16 juillet 2023

ÉPISODE

Un pied dans l'eau et me voilà emporté par les torrents ensanglantés de la guerre, me voilà passager des courants éphémères, aspiré par la mer et foudroyé par l'éclair. Ne peut s'échapper que le plus fou des sages, la folie du plus sage qui le sauve de ces mirages et le prive des ravages. À quoi bon lutter quand la chute est inévitable ? La guerre n'est éternelle que par son caractère épisodique, par ses failles caractéristiques. L'ancrage qu'elle prend sur nos vies dépasse outrageusement celui de notre uchronie. Je suis passager du train fantôme, si rapide, imperceptible jusqu'à désir, il me traîne loin du limpide, jusqu'à la grotte de la satire.
 
Hélyo James, 5 février 2023

INSOMNIE

Elle guette la nuit et me ronge le jour, maligne torture de mes songes. Paupières lourdes et insatiable désir de rêves, le plafond infini fait mon ciel. Mon corps tourmenté bouge sans relâche sur le banc de soie vide. Mes yeux dévorés par le sang fixent ce ciel blanc sans trêve, ma tête vide ne trouve pas sommeil. Des courants me traversent et me tiennent en haleine, du soir au matin, du matin jusqu'au soir. Je ne dors pas, je veille. Elle vole mes nuits comme elle vole ma vie, l'insomnie, ce démon de minuit.
 
Hélyo James, 15 janvier 2023

PYROMANIE

La lune veille, le soleil fond sur la neige. J'observe le rituel des lumières. Et je plonge. Je plonge dans l'étincelle de cette flamme qui m'ensorcelle. Cette flamme qui brûle si fort qu'elle en illumine le néant alentour. Je vois. Je vois pour la première fois. Je vois, je te vois. J'ai peur de cet instant où le temps cessera pour de bon, de quand le néant aura consumé cette flamme qui pétille de mille feux. Je ne rêve que d'une chose : que la flamme le consume avant lui, que les étincelles enflamment la toile noire, la toile si sombre qu'aucune autre lumière ne la transperce. J'ai peur que la flamme s'éteigne aussi vite qu'elle est apparue dans nos cœurs. Et si ma toile n'était pas celle de ton pinceau ? Et si ton pinceau trouvait plus belle toile ailleurs ? Et si les brins de mon pinceau noircissaient ta flamme d'un malheur monstre ? Je veux cirer ses poils pour qu'ils fassent resplendir ta flamme, pour que jamais elle ne meure. J'ai si peur du feu, mais je l'aime tant, le feu. Et toi, toi que je vois, Ô que je brûle pour toi. Mon cœur saigne de ce feu qui m'embrase. Mon cœur peine de cette peur qui m'assaille. [...] Le rituel des lumières se poursuit et je l'observe ahuri. Ô que je l'aime.
 
Hélyo James, 4 janvier 2023

FLOCON

C'est si léger si facile de virevolter, de voler dans les airs, de danser la légèreté quand on s'appelle neige. Je suis un flocon aux milles branches, mes atomes ont gelé ensemble et je gèle à mon tour ce sol pour le peindre de blanc. Je le recouvre, je l'enlace de toute la tendresse du monde dans une sagesse infinie. Ne m'en veux pas si tu as froid : je suis pureté et renouveau, je te libère de tes maux les plus inconscients, je te recouvre d'amour et fais de toi un enfant à nouveau. Sculpte ta créativité, ton imaginaire enfoui de ma peau, mon velour blanc. Je suis la neige, un flocon cocon.
 
Hélyo James, 16 novembre 2022

AMOUR VAIN

Aperçu du rivage, appel au naufrage. Réalité rêvée, réalité cachée. Je cours sur la plage nu d'illusions, je cours sur la plage nu vers la mer, l'océan. Je plonge dans ce bain de minuit, je plonge vers ce cœur endormi. Je suis la barque, je suis chasseur, je suis fuyeur, je suis la rame qui embarque. Je rame, je rame sur les flots séducteurs, je rame sur les flots ravageurs. Les flots d'une promesse, la promesse d'un mystère, d'un récit déjà conté.
 
Hélyo James, 3 octobre 2022

TIC-TAC...

Nos regards mêlés de sentiments se mentent et se promettent, des mots muets qui crient au sabotage, au désespoir. Nos corps lâches sur ce lit attendent sans relâche, que le monde fasse enfin sens, que reparte la discussion, aucun son ne sort, aucun son ne parvient à briser le silence. Aucun son, si ce n'est le tic-tac de ma montre qui résonne si fort dans mes tympans sourds d'amour, que les battements de mon cœur se synchronisent avec ses tours. C'est comme une brise venue d'ailleurs, comme le soupir d'un promis à la mort, comme la vie qui souffle le temps, qui s'envole. On attend patiemment notre innocence, loin des fêlures du passé, loin des sourires de déchéance, comme si un jour peut-être elle reviendrait. Un mot, brise le silence. Un geste, prends ta chance. Perce la bulle et souffle tes mots muets dans cet univers défait.

C'en est trop. Je vais briser le silence, je vais briser ce satané silence. Je n'ai que faire de ces diktats, que faire du sens, que faire de ces fébriles sentiments. J'en ai assez d'entendre le tic-tac résonner dans mes pensées. Regarde-moi. Ne vois-tu pas que je ne suis qu'un immature dénué de tout contrôle ? Ne vois-tu pas que mon cœur hurle pour nous deux ? Regarde-moi... Nos lèvres font cesser le tic-tac incessant, nos baisers dictent le rythme de nos sentiments, aujourd'hui, maintenant, je t'embrasse. Ça me dépasse, ça me surpasse, je m'exaspère, mais je t'aime. Je t'aime maintenant. Peut-être pas demain, mais je t'aime ce soir. Je t'aime comme nos corps qui se mêlent et qui s'embrassent incessamment, impunément, insatiables corps qui s'aiment.
 
Hélyo James, 24 septembre 2022

UN ARBRE

La sève coule de l'arbre d'une ambre écarlate. L'araignée a tissé sa toile sur ses branches les plus frêles. Les feuilles se laissent bercer par le vent puis tombent dans un profond sommeil. L'araignée s'est envolée en y laissant sa soie cruelle. Le voyageur s'est épris de l'arbre, il revient à chaque saison. L'arbre peine à le voir, il se cache dans les buissons. "Approche" lui susure l'arbre... "approche"... Le voyageur est sorti du buisson, pour se réfugier dans un autre. Ainsi vit l'arbre dans sa forêt, ainsi observe le voyageur l'écorce s'épaissir dans le temps, perdre ses feuilles et nourrir de son sang.
 
Hélyo James, 11 septembre 2022

HAMSTER

Les paupières lourdes mes yeux se ferment sur le monde de la nuit, sur le monde qui brille. Je suis perdu dans la nuit. J'entends les rires, je vois l'invisible qui me fuit. Je suis le hamster qui court dans sa roue infinie, à l'en rendre fou il court à n'en plus finir. La roue l'a rendu prisonnier, l'a rendu fou, l'a rendu bête, inconscient. Par trois fois elle l'a emporté dans son élan, le pauvre hamster qui court. Sa roue sans fin, sa roue qui l'endort, qui l'hypnotise. Il n'y a de logique que la logique de l'illogique dans ce maléfice qui brise.
 
Hélyo James, 27 août 2022

LES BOIS D'UN ABANDON

À toi, rosier sauvage. Tu es la rose que je ne peux atteindre, le bois rempli d'épines. Tu es querelles et jalousie, tu es ensorceleuse de mes nuits. Et c'était beau, mais c'était lâche. J'étais le pion et toi la reine, j'étais le fou, le trop sauvage, le trop instable. La rose... C'était si beau. Comment aurais-je pu vaincre ces bois qui ont eu raison de mon cœur, qui en ont arraché les chairs ? Étais-je, au fond, un fou trop sage ? Aurais-je dû plonger dans ces bois, y laisser ma peau, mes muscles, mes ligaments, mes tendons et mes os, pour espérer enfin t'atteindre ? Aurais-je dû transformer ma chair en bois d'épines à mon tour, pour que l'envie de t'y piquer naisse en ton cœur ? 
 
Il est trop tard, comme toujours. Satané temps, n'est-ce pas ? La vie n'est que mauvais timings, elle n'est jamais à l'heure où on l'attend. Ça fait partie de sa beauté, d'une façon ou d'une autre. J'aurais dû t'embrasser, ce jour-là. J'aurais dû dévoiler ton jeu au grand jour. Et personne ne sait, personne sauf moi, puis peut-être une petite part de toi. ______________________________ ____            ________ _______can't tell this part, it's a secret she doesn't want me to tell __________ La honte a dû te dévorer, car les bois épineux m'ont dévoré, et la rose s'en est allée. Mon âme est écorchée, inchangée, mais le poison de l'épine s'est dissipé. Ne reste de la rose que le souvenir de sa beauté, que les cicatrices et l'endorphine, que le répit puis l'abandon. Puisses-tu hanter les nuits d'un autre, les coquelicots feront les miennes.
 
Hélyo James, 16 juillet 2022

CALME-TEMPÊTE

Cheveux aux vents, main à la barre, à la dérive. Le gouvernail de bois blesse ma peau de glace. Je navigue sur les flots sages d'une vie sans folies. Le soleil me brûle, mon corps devient cendres. La brise fend mes écailles de petites perles rouges. La mer infinie est errance éternelle. Je ne perçois pas la Terre, et la lune est sombre. Je ne peux échouer sur le sable, le sable n'est plus. Berce mon âme sur les eaux sages, berce mon cœur calme. Laisse mon corps mourir sous les étoiles, laisse les torrents nourrir ma soif sauvage. Le calme m'affame, le calme est faux ami. Le calme est ma tempête, la tempête est mon calme.
 
Hélyo James, 30 juin 2022

LA FORÊT RÊVEUSE

Je marche, lentement, sans un bruit. Pas à pas, vers l'arche de coton, vers la rivière ensommeillée. Les pierres s'alignent sous mes pieds pour tracer le chemin des merveilles. Je flotte. Einaudi pianote mes pas sur leurs échos mélodieux. Un pied au-dessus du sol. C'est comme si l'eau lévitait avec moi, tout en reposant sur la terre. C'est comme si ma peau effleurait cette eau sans en recevoir les perles, et malgré tout ma peau se noie dans ces échos de la mer, comme dans un nuage cotonneux entièrement fait d'eau qui perle.
 
Je marche dans la forêt mousseuse sous le clair de lune qui tamise mon rêve. Les lucioles volent dans l'eau du lac, les poissons nagent dans l'air brumeux. Je marche. Lentement. Sans un bruit. Juste ma respiration en harmonie avec celle de la forêt rêveuse. Ma respiration souffle le vent. Mon cœur abreuve les arbres de mon sang qui fait leur sève. Lorsque mon torse se lève, la terre fait de même. Et tout là-bas, tout au fond, aux tréfonds de la forêt qui veille, on peut entendre un doux battement, régulier, mélodieux, apaisant. Tout là-bas, tout au fond, aux tréfonds de la forêt, se cache une lueur vacillante sur les échos d'un son sourd mais doux, une lueur rouge de vie qui illumine le bosquet alentour. Tout là-bas, tout au fond, se cache le cœur de la forêt, se cache le tronc fragile et solide, sous ses formes arrondies et mystiques, duquel partent les racines ensevelies de sang qui parcourent la terre et nourrissent les arbres.
 
C'est comme une bulle qui n'a de temps que ce cœur résonnant, que cette mélodie silencieuse qui m'étreint de son calme et sa sagesse. Je marche, lentement, sans un bruit. Pas à pas, vers l'arche de coton, vers la rivière ensommeillée. Je plonge dans ce nuage de soie et je m'endors dans ses bras, sous la lueur de ces maigres étoiles qui m'embarquent loin là-bas. La forêt s'endort, la lune tamise le lac, le vent se fait léger, les arbres s'apaisent, et là-bas, tout au fond, aux tréfonds de la forêt, le cœur bat encore, au centre du bosquet sacré qui n'a pas encore été foulé, si bien caché.
 
Hélyo James, 21 juin 2022

HYPOTHERMIE

J'ai froid. J'ai si froid. Si sombre, il fait si sombre. Mon corps tremble et je brûle. Mon cœur s'est arrêté de battre. Je ne peux plus bouger d'un pouce. Mon corps gèle sur la terre soyeuse. J'ai froid. J'ai si froid. J'ai mal, je crois que j'ai mal. L'hypothermie m'a attrapé, je ne vis plus. J'ai froid. J'ai si froid. Il fait si sombre, je ne vois plus rien. Je ne sens plus mon souffle, je ne sens plus mes bras, ni mes jambes, je ne sens plus rien. Il n'y a pas un bruit, pas un seul. Je ne tremble plus, mais j'ai si froid. Mon cœur ne bat plus, je ne l'entends plus, je ne le sens plus. Mes poumons se sont vidés de cet air gelé, mon corps m'a lâché. Lamentablement lâché. Il m'a abandonné. Il m'a tué. Et j'ai froid. J'ai si froid putain. Je crois entendre au loin le son de sa voix, qui hurle à la mort, qui craque dans la peine. Je crois sentir une goutte, tout droit tomber là sur mon cœur à l'arrêt. Je crois en sentir une autre, salée, au carrefour de mes lèvres. Je crois sentir sa main serrer la mienne si fort qu'elle semble être broyée. Mais je n'en sais rien, je ne sens rien. J'ai tellement froid, si tu savais comme j'ai froid... et puis ce froid me brûle si fort... je crois que je suis mort.
 
Hélyo James, 6 juin 2022

MIROITÉ

L'araignée tisse sa toile dans la forêt du temps perdu, dans la nuit claire obscure mon esprit divague et j'erre sans but. C'est lors de mirages que j'aperçois le rivage, c'est lors de ces enlaçades que s'en va mon air maussade. Où que j'aille je sens et ressens, les histoires que l'on conte, les sentiments que l'on dompte. Le soir, dans mon miroir, c'est un autre monde que je vois, c'est une autre histoire qui s'offre à moi. Ma brosse à dent dans les mains, son beau sourire en coin, ne dis rien, tu sais bien que c'est vain.
 
Hélyo James, 29 mai 2022

LES REFLETS

Je me questionne, et ça tourbillonne. Le pourquoi du comment, le comment du pourquoi. Toutes ces questions sans réponses, toutes ces choses, ces évidences... Il est si simple de s'emmêler, si simple de se perdre. Je rêve et je rêve encore, sans cesse je rêve de toi. Je rêve de tes yeux, de tes joues rosées, de tes lèvres envoûtantes, de ta voix qui résonne, de ton ventre musclé, de ton corps si parfait. Je rêve par-delà la raison, de ce monde qui me rend fou. Je rêve d'une fuite parfaite, d'une paix parfaite. La paix parfaite n'existe pas, n'est-ce pas ? Les nuances font illusion, les nuances font tourbillon. Et je rêve d'un impossible, un rêve irrépressible. Toi, là-bas, dans cet autre monde... Dis-moi... Rêves-tu de moi ? Apparaissons-nous dans nos songes comme dans l'antre de nos reflets sur le miroir de nos psychés ? Dis-moi... Sommes-nous damnés ? Serait-ce notre prix à payer pour une si grande lucidité ? Dis-moi... Un jour... Seras-tu las de moi comme je le suis de te vouloir ? Seras-tu las de moi comme je le suis souvent de moi ? Seras-tu las de moi au point de ne plus jamais me voir ? Serons-nous seuls dans ce miroir qui ne demande qu'à être brisé, vers cet autre monde qui parfois semble si parfait pour cette fuite tant rêvée ? Tu sais, au fond, tu n'es que le reflet de ce que j'ai tant désiré. Tu n'es que l'image maudite qui me retient d'aimer, le prix à payer pour une vie à inspirer. Je t'aime, mais je te hais. Pour ces questions sans réponses, pour toutes ces choses, ces évidences. Je t'aime, mais je te hais.
 
Hélyo James, 17 mai 2022

ALLÉE DE L'IDYLLE

Dans l'allée mes pas résonnent, sur les pavés je m'abandonne. Le ciel tacheté de blanc, je les regarde sur ce banc. Moi, lui, elle... au fond que d'histoires enfantines, d'inoubliables comptines. Pourquoi chercher le sens, quand je retrouve mon innocence, que je brise enfin mon silence ? Les mots n'existent pas, pas pour tout ça. Les mots pour une fois me sont futiles, si futiles qu'ils en deviennent hostiles. Je n'ai que faire de comprendre, c'est un rêve à s'y méprendre. Le vent siffle l'idylle et je m'envole sur cette île. Mais sur l'île s'abattent torrents, et je ne peux affronter les courants. C'est une règle, c'est légion. C'est espiègle, non sans bâillon. Mais qu'importe quand dans mon cœur je porte cette sensation si forte. Cette sensation de paix, cette sensation si vraie, où tout est à sa place, où l'on refait surface. Alors dans cette allée je trace les premiers pas de grâce. Je respire l'instant, j'interromps le temps. Je n'ai que faire du sens, j'ai trouvé notre innocence.
 
Hélyo James, 11 mai 2022