MONTS ENDEUILLÉS
Je veux sentir son cœur battre, là tout prêt, une dernière fois. Tenir sa main, avant qu'elle ne retourne poussière. Ramène moi là-bas, en haut de ces monts enneigés. Lorsque nos sourires ne se fuyaient plus, que la paix s'installait. Lorsqu'on riait suspendus, alors qu'on avait découvert son secret. Je veux ressentir, je veux que mon cœur hurle. Je veux sentir, je veux encore lui sourire. Si seulement... Je n'y suis pas retourné, je le devrais pourtant. J'ai besoin de la pleurer, retracer le fil de ces instants de paix, ces derniers instants.
J'avais descendu les pistes à toute allure, seul, sans savoir où j'allais. L'adrénaline avait envahi mon corps et mon esprit, cette drogue que j'aime tant, ce danger qui me fait vivre. Je l'avais vue, elle m'attendait en bas avec un grand sourire, son bonheur étincelait. On avait rejoint les autres pour redescendre au village, dans les rires, la complicité, la sensation d'une belle journée accomplie. Elle marchait avec lui, elle avait pris mes skis pour soulager ma cheville. J'étais parti en avant, tout sourire, je délaçais mes bottes de mon pied endolori. J'avais attendu, mais quelque chose se tramait, je le sentais, ce vent glacial qui me traversait. J'étais sorti, sans mes bottes, lui debout, paniqué, moi courant vers son corps animé d'une horreur.
Ils avaient ramené un défibrillateur, elle ne respirait plus. Personne ne pouvait se douter du drame qui venait de se produire. "Ne touchez pas le corps pendant l'analyse... Continuez le massage cardiaque...". De longues minutes à tenir sa main, dans un silence, alors qu'ils tentaient de refaire battre son cœur. C'était trop tard, je leur ai dit, c'était trop tard, c'était fini. La mort l'a emportée, elle m'a cloué sur un sol incertain, blanc, froid, glacial. Loin là-bas, tout près de moi, je l'ai vue partir dans un dernier sourire adressé, translucide, transcendant, à jamais.
Hélyo James, 25 février 2022